Égalité Filles - Garçons

Inégalité filles-garçons en maths : stéréotypes puissance dix

Par Documentation CDI, publié le mardi 22 avril 2025 18:01 - Mis à jour le mardi 22 avril 2025 18:01
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Comment expliquer ces inégalités filles-garçons en maths ? Sociologue de l’éducation des sciences, Clémence Perronnet a étudié la disparition des filles et des classes populaires des filières scientifiques.

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L’enquête internationale TIMSS qui évalue tous les quatre ans les compétences d’élèves d’une cinquantaine de pays en mathématiques a déclaré en décembre 2024 la France dernière des pays européens et parmi les derniers de l’OCDE. Mais la France est aussi le pays avec la plus forte inégalité filles-garçons en maths, avec des résultats en chute pour les filles depuis 2015 en CM1 et en 4e.

Alors qu’elles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons en maternelle, la tendance s’inverse au milieu de l’année de CP, pour s’accentuer durant la primaire et s’accroître encore en 6e. Comment expliquer ces inégalités filles-garçons en maths ? Sociologue de l’éducation des sciences, Clémence Perronnet a étudié la disparition des filles et des classes populaires des filières scientifiques.

 

Pour sa thèse réalisée à Lyon, elle a utilisé les terrains d’activités d’une association de médiation scientifique lyonnaise, où elle a mené une enquête auprès d’élèves de CM1 qu’elle a réinterrogées en 5e. Elle en a tiré un livre, La bosse des maths n’existe pas. Rétablir l’égalité des chances dans les matières scientifiques, paru en 2021, dans lequel elle interroge ce qui nous amène à aimer ou non les maths.

 

« On a tendance à voir le problème du côté des absents, regrette-t-elle : ils s’autocensurent, ils ne sont pas assez curieux… De nombreuses études montrent qu’il y a en fait des mécanismes qui les excluent et les empêchent d’aller vers ces domaines-là. »

Le déterminisme social des stéréotypes de genre

Comment expliquer en effet qu’en CM1, filles et garçons interrogés par la sociologue manifestent la même curiosité pour les maths, mais que, réinterrogés à 12 ans, la majorité des filles s’en sont détournées ? « Il y a une représentation sociale des maths qui se transmet dès l’école primaire, répond Clémence. Les petites filles que je suivais, plus elles s’intéressaient aux sciences, plus elles recevaient des messages qui leur disaient que sciences et filles ne sont pas compatibles, qu’elles n’étaient pas de vraies petites filles. »

Aussi dépassé que cela puisse sembler, « c’est bien plus explicite et massif qu’on ne croit », assure la sociologue. Dans les manuels scolaires comme dans les dessins animés ou les jeux des enfants, les femmes scientifiques sont absentes, les femmes en général aussi, « et quand elles sont présentes, c’est sous des traits stéréotypés, par exemple dans des activités domestiques, a pu observer Clémence. Ces stéréotypes, les enfants les acquièrent quand ils arrivent à l’école et ça a des impacts au bout d’un an. » Les enquêtes montrent en effet que l’écart fille-garçon se creuse entre le CP et le CE1.

Et ces stéréotypes jouent sur les performances cognitives, comme l’indique Clémence en évoquant les travaux de Pascal Huguet et Isabelle Régner, chercheur et professeure en psychologie sociale : le même exercice est donné à deux groupes de filles, en étant présenté à l’un comme un test de géométrie, et à l’autre comme une activité de dessin. Dans le premier, les filles réussissent moins bien que les garçons, mais c’est l’inverse dans le second. Ayant intégré le stéréotype selon lequel elles sont mauvaises en science, les filles échouent. Un phénomène qui explique qu’elles s’orientent vers des filières qu’on juge plus adaptées pour elles.

Un discours sexiste

Persiste enfin un discours selon lequel les femmes ne sont pas capables de faire des maths, « ou bien qu’elles sont bonnes différemment, ce qui revient à leur donner une place subalterne et faire croire qu’il y a une nature féminine, qui n’existe pas », tranche Clémence. « Le nombre d’interventions où des adultes me disent que les filles sont naturellement moins bonnes en maths !, soupire Blandine Déjean d’EbulliScience. On entend par exemple qu’elles n’auraient pas le sens de l’orientation…

Mais si on regarde les jeux qu’on donne aux enfants, les garçons ont souvent des LEGO, des circuits de voitures qui sont des jeux de spatialisation, alors que les filles, on les y encourage beaucoup moins… Lors de nos activités, on est très attentifs à ce genre de choses. On fait attention à ce que ça ne soit pas uniquement les garçons qui manipulent et les filles qui font le ménage à la fin de l’activité ! »

Une inégalité filles-garçons en maths dans la prise de parole

Car le personnel éducatif, nourri de ces stéréotypes, tend à reproduire inconsciemment les inégalités. Les études montrent par exemple que les enseignants s’adressent davantage aux garçons et leur consacrent plus de temps. Au point que la MMI propose désormais des stages réservés aux filles adolescentes, encadrés par des femmes scientifiques. « Pour elles, c’est un espace de parole libérée qui leur permet en plus d’avoir une figure féminine dans ces métiers-là, témoigne Olivier Druet.

 

Elles le disent, qu’elles n’arrivent pas à prendre la parole en non-mixité. Il y a toujours un mec qui sait tout sur tout et qui ne laisse pas d’espace de parole ! On le voit, et c’est flagrant à l’adolescence. C’est un vrai problème. À partir de 12 ans, les filles désertent nos activités : on a près d’une fille pour neuf garçons. »

Autant de biais qui amènent les petites filles à manquer de confiance en elles, un caractère qui leur est moins donné à la naissance qu’inculqué socialement. Pour lutter contre cette inégalité filles-garçons en maths, « il faut changer les conditions dans lesquelles les enfants apprennent les maths et transformer les représentations qu’on a des sciences », assure Clémence. Un enjeu d’égalité quand on sait que les métiers de demain sont largement liés au numérique.

La bosse des maths n’existe pas. Rétablir l’égalité des chances dans les matières scientifiques, de Clémence Perronnet. Editions Autrement. Prix : 19€